CINÉMA

TOUS LES RÊVES DU MONDE, UN FILM DE LAURENCE FERREIRA BARBOSA

SYNOPSIS

Paméla est une jeune portugaise de la deuxième génération née ici, en France. Empêtrée dans ses contradictions, ses échecs et l’amour absolu pour sa famille, elle se sent perdue et paraît incapable d’imaginer comment elle pourrait vivre sa vie… C’est sous l’influence de Claudia, adolescente intrépide et insoumise, que Paméla osera faire le choix de l’inconnu et de la liberté.

UN FILM DE LAURENCE FERREIRA BARBOSA
AVEC Paméla Ramos, Lola Vieira, Alexandre Prince, Rosa da Costa, Antonio Lima, Mélanie Perreira, David Murgia

Date de sortie : 18 octobre 2017
Distributeur : Alfama Films

LAURENCE FERREIRA BARBOSA

Après des études de cinéma à Paris VIII, Laurence Ferreira Barbosa réalise, grâce au GREC (Groupement de Recherche et d’Essais Cinématographiques), son premier court métrage Paris – Ficelle, primé à Belfort. Suivront deux autres courts tout aussi remarqués, Adèle Frelon est-elle là ?, Grand Prix à Clermont-Ferrand en 1986 puis Sur les talus, nommé au César en 1987.

En 1993, Laurence Ferreira Barbosa réalise son premier long métrage, Les Gens normaux n’ont rien d’exceptionnel (César du Meilleur Espoir Féminin Valeria Bruni Tedeschi en 1994), portrait émouvant et drôle d’une jeune femme dépressive qui se retrouve en hôpital psychiatrique. Co-écrit par Jackie Berroyer, ce coup d’essai, qui recueille les faveurs de la critique et du public, révèle une jeune actrice pleine de sensibilité, Valeria Bruni Tedeschi. La cinéaste est ensuite choisie par Arte pour tourner un des volets de la collection Tous les garçons et les filles de leur âge.

Déjà au cœur de son premier film, la question du rapport à la norme est un des thèmes centraux du deuxième, J’ai horreur de l’amour, vu à Cannes en 1997 dans la section Cinémas en France. Jeanne Balibar y incarne un médecin désemparé face à deux patients, l’un hypocondriaque, l’autre séropositif. Laurence Ferreira Barbosa se lance ensuite dans l’ambitieux La Vie moderne (2000), dans lequel on suit en parallèle les destins de trois personnages en crise, l’un d’eux étant interprété par Isabelle Huppert. Après un nouveau téléfilm pour Arte, elle réalise une adaptation d’un roman de l’Américain Westlake, Ordo (2004), avec Marie-Josée Croze dans le rôle d’une actrice mystérieuse. Quatre ans plus tard, elle revient avec une chronique sur l’adolescence, Soit je meurs, soit je vais mieux, nouvelle exploration des frontières entre réalité et fantasmes.

Elle est également co-auteur du documentaire portugais Volta a terra de Joao Pedro Placido (Prix du meilleur long-métrage portugais au festival Doclisboa, Sélection Acid Cannes 2015, Prix Gold Hugo festival de Chicago, Prix Ulysse du documentaire festival Cinemed).

Elle vient de terminer l’écriture d’une comédie, Ou Niche l’Hibou produit par Alfama Films également, alors qu’elle vient d’achever Tous les rêves du monde.

FILMOGRAPHIE

SOIT JE MEURS, SOIT JE VAIS MIEUX (2008)
ORDO (2004)
LA VIE MODERNE (1999)
J’AI HORREUR DE L’AMOUR (1996)
LES GENS NORMAUX N’ONT RIEN D’EXCEPTIONNEL (1993)

NOTE D’INTENTION

Aussi loin que je me souvienne, on m’a toujours demandé de quelle origine était mon nom de famille. Je répondais : portugaise. J’évoquais alors ce grand-père paternel dont je ne sais presque rien, émigré à 17 ans en France et mort très jeune.

Au bout d’un certain temps, j’ai compris deux choses : d’abord, que ce qui est étranger est toujours étrange et attise la curiosité (moi-même, je partage cette curiosité). Et ensuite, que porter un nom étranger, que je le veuille ou non, a déterminé une part de mon identité. Je ne suis pas portugaise, mais perçue, désignée ou imaginée comme telle, je le suis un peu devenue.

Une des raisons pour lesquelles j’ai eu envie de faire ce film vient d’une constatation très simple : la communauté portugaise en France n’a pour ainsi dire pas « d’image » et très peu de « fiction ».

Outre le fait que cette communauté me touche, une de ses caractéristiques frappantes et qui explique aussi pourquoi j’ai voulu la connaître et la mettre en valeur, c’est justement sa fermeture à la société française. On peut dire sans exagérer que les Portugais ont réussi à être intégrés en France, (et ils le sont parfaitement, il n’y a pas de conflit entre la culture portugaise et la culture française) sans s’intégrer.

Les émigrés viennent majoritairement d’un monde rural, le nord du Portugal. Ils sont pour la plupart très attachés à leurs traditions et donc conservateurs. Entretenir leur culture constitue aussi pour eux une manière de faire rempart à une société française dont l’évolution peut leur faire peur : structure familiale bouleversée, perte de repères et de sens.

Ils cultivent cette façon d’être à l’aise dans la société française tout en préférant un « entre soi » intime et secret.

Le rituel du retour au Portugal au mois d’août dans le village, est aussi une manière de réactiver leur identité à chaque fois. Pour beaucoup, on peut dire qu’ils ne coupent jamais le lien avec leur pays d’origine. Sans compter ceux qui s’installent quelques années en France, retournent au Portugal puis reviennent et repartent au gré des difficultés économiques.

Les nouvelles générations éprouvent un amour et une fierté pour le pays d’origine des parents, comme s’il s’agissait d’un paradis perdu. Mais le Portugal est avant tout pour eux le pays des vacances, un pays pour s’évader, une espèce de réserve de rêves, un désir de « bonheur hors du monde ».

Pour parler de cette communauté de gens du peuple, j’ai choisi de faire le portrait d’une jeune femme de la deuxième génération, dont les parents ont émigré à la fin des années 80.Une jeune femme pleinement impliquée dans sa communauté, adhérant à ses valeurs, et qui au bout du compte, pour vivre sa vie, va choisir de faire un pas de côté. Ce mouvement, si timide soit-il, représentera pour elle une vraie révolution.

Être une jeune femme franco-portugaise, c’est hériter d’un ensemble de principes, de valeurs, de modes de penser, d’une mentalité, qui incitent à la discrétion, la réserve, la soumission, la passivité. L’exil de ses parents la façonne de manière sourde. Cette façon d’être n’est pas non plus étrangère au fait que le Portugal a vécu 50 ans sous une chape de plomb : la dictature de Salazar. Cette dictature a laissé des traces profondes encore aujourd’hui au Portugal et de manière prégnante dans la communauté émigrée.

Alors que j’étais guidée par ces quelques thèmes que je voulais évoquer, un autre thème a pris beaucoup d’importance, plus universel, celui de l’amitié entre deux jeunes femmes. Pour définir le personnage principal, pour montrer sa métamorphose ou plutôt son émancipation, thème qui m’est cher et familier, j’ai eu besoin de raconter l’histoire d’une amitié entre deux très jeunes femmes, aussi différentes que possible. Chacune va trouver en l’autre les ressources nécessaires à l’accomplissement de son désir profond. Il s’agit d’une amitié particulière, faite de trahison, de ressentiment et de rupture, qu’elles vont refonder le temps d’un été et d’un automne, pour s’aider mutuellement.

Avant d’écrire le scénario, il me fallait mener ma petite enquête. C’est ainsi que je suis partie à la rencontre d’adolescentes franco-portugaises. C’est comme ça que j’ai fait la connaissance de Paméla. Ce jour-là, j’étais venue dans un cours de portugais d’un lycée de banlieue expliquer mon projet de film, encore très vague, à une classe d’adolescents. Je leur demandais de m’accorder un entretien qui ne les engageait à rien, et au cours duquel je leur poserais quelques questions sur leur relation avec le Portugal et leur histoire familiale. J’essayais de les rassurer, les entretiens resteraient confidentiels et je ne chercherai pas à forcer leur intimité. Peu de filles se sont montrées intéressées malgré les encouragements de leur professeur et seules deux ou trois m’ont donné leurs numéros de portable. La méfiance règne et les parents surveillent les filles de près.

Au moment où je quittais l’établissement, un peu dépitée devant le manque d’intérêt qu’avait suscité ma proposition, j’ai senti une présence qui trottinait à mes côtés. Je me retournais : c’était Paméla, elle voulait me rencontrer, mais n’avait pas voulu le dire devant les autres. Sa rondeur enfantine et son audace de timide m’ont plu tout de suite.

J’ai vu Paméla régulièrement et à chaque fois, elle m’a accueillie sans surprise et avec calme. Me livrant un peu plus d’elle-même tout en se protégeant, veillant jalousement sur ses secrets. Que comprenait-elle des raisons que j’avais de m’intéresser à elle ? Que pensait-elle de la sympathie que je lui manifestais ? Qu’attendait-elle de ce projet de film ? Je serais incapable de répondre, elle ne m’a jamais posé la moindre question. J’imagine qu’elle s’interdisait d’attendre quoi que ce soit. Je devine qu’elle était contente d’être considérée comme digne d’intérêt, comme quelqu’un qui n’est pas habitué à autant d’attention. Mais je sentais aussi qu’elle ne ferait rien pour me plaire, qu’elle me laisserait toujours venir à elle. Et évidemment, c’est aussi cette indépendance qui m’a séduit chez elle. C’est une rêveuse qui a les pieds sur terre.

Je me suis donc inspirée de la vraie Paméla pour dessiner mon personnage. Le fait même que je garde son prénom est une façon de reconnaître que je lui emprunte beaucoup de ses traits de caractère, de sa personnalité. C’est avant tout ses contradictions qui m’ont séduite. Ce mélange de soumission et de résistance, son manque de confiance en elle et son entêtement à faire ce qui lui plaît, sa modestie et sa fierté, son intransigeance et sa fragilité, sa franchise et sa discrétion, son intelligence et sa candeur, sa solitude et ses rêves.

Mon personnage n’est pas une rebelle et c’est ce qui m’intéresse.

Son désir d’émancipation ne peut pas s’exprimer par une crise d’adolescence, ni par une rupture, elle est bien trop respectueuse et reconnaissante de ce que lui ont transmis ses parents et sa communauté. Si émancipation il y a, elle n’aura rien de spectaculaire, mais se fera dans la paix d’une liberté conquise.

Un jour pendant le tournage, je me suis dit qu’au-delà des raisons qui ont présidé à l’écriture puis à la fabrication du film, au-delà des thèmes qui parcourent le film, des intentions qui s’expriment çà et là, j’avais surtout aimé filmer le visage de Paméla, captive de ce charme qui jamais ne s’est épuisé, et que cette simple raison-là pouvait suffire à expliquer pourquoi j’avais fait ce film.

Laurence Ferreira Barbosa

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