La première guerre mondiale a amorcé une phase décisive dans l’histoire de l’immigration portugaise en France, où jusque là n’était venu qu’un petit nombre de Portugais, le plus souvent des intellectuels et des artistes. La France avait été aussi la destination d’exilés politiques portugais. Avec l’entrée en guerre du Portugal en 1916, aux côtés de la France et de la Grande Bretagne, la France devenait ainsi un des horizons de l’émigration portugaise.
En 1916, le gouvernement portugais envoie en France un corps expéditionnaire, O Corpo Expedicionário Português (CEP) composé de plus de 50 000 hommes. Les pertes s’évaluent à 12 000 militaires. En plus des soldats, 20 000 travailleurs sont recrutés dans le cadre d’un accord de main d’œuvre. Tous ne rentrent pas au Portugal à la fin de la guerre et font même venir leurs proches.
Entre 1921 et 1932, le nombre de Portugais passe de 10 000 à 50 000 personnes. C’est une population composée d’une immigration de main d’œuvre suivie, dans les années 1926 et 1927, de réfugiés politiques, de républicains, de leaders politiques et syndicaux, qui ont fui le Portugal à la suite des coups d’état militaires de 1926 et 1927, qui ont conduit à la dictature salazariste entre 1932 et 1974.
La grande vague d’émigration portugaise a lieu dans les années 60-70. En une décennie, le nombre de Portugais en France passe de 50 000 à plus de 700 000. Entre 1969 et 1970, près de 240 000 Portugais arrivent sur le territoire français, en très grande majorité de façon clandestine, « com um passaporte de coelho », avec un « passeport de lapin ». Trois années sont marquées par des contingents dépassant les 100 000 personnes : 110 608 en 1969, 128 865 en 1970 et 110 823 en 1971.
Au cours des années soixante et jusqu’à la chute de la dictature et la fin de la guerre coloniale, de nombreux jeunes hommes (de plus de 18 ans, puis de plus de 16 ans) fuient le Portugal pour se soustraire à un service militaire qui durait 4 ans. L’armée portugaise évalue leur nombre à 150 000. Tous ces hommes n’étaient pas opposés au régime et à sa guerre coloniale. Cette guerre n’était simplement pas la leur. Ils quittent un pays qui ne peut pas assurer leur avenir, une société vouée à l’immobilité par une vieille dictature et une guerre interminable.
C’est une véritable hémorragie pour le petit pays qu’est le Portugal, qui a perdu ainsi près de 10% de sa population, surtout en milieu rural.
A partir du début des années 1970, les portugais deviennent la première et la plus importante communauté d’immigrés en France.
Pour faire face à des besoins énormes en main-d’œuvre, la France dépêche une mission pour négocier avec le Portugal des accords bilatéraux qui visent à inciter ses ressortissants à venir travailler en France. Ces textes sont signés en 1963, mais l’accord ne sera pas appliqué tout de suite. Le gouvernement d’Antonio de Oliveira Salazar (1932-1968) puis celui de son successeur, Marcelo Caetano (1968-1974), a d’abord limité l’émigration (suppression du « passaporte de emigrante ») afin de retenir ses soldats, puis l’a ensuite tolérée, en raison des transferts d’argent qui en découlaient.
Face à cet afflux massif, le gouvernement français multiplie les régularisations de travailleurs portugais, au cœur même des bidonvilles puis à la frontière franco-espagnole, en délivrant immédiatement des récépissés de séjour provisoires.
Les immigrés portugais se concentrent dans quelques grandes agglomérations industrielles, principalement en région parisienne (la moitié d’entre eux), mais aussi à Lyon, Clermont Ferrand, Grenoble, et dans le Nord de la France.
Les hommes sont employés surtout dans les secteurs industriels, notamment ceux liés à l’automobile et ceux du bâtiment. Les femmes, elles, deviennent ouvrières, domestiques, concierges, femmes de ménages, ou salariées agricoles.
Les Portugais participent à tous les grands travaux des zones urbaines (grands ensembles, universités) et, dans la région parisienne, ils constituent le plus gros contingent d’immigrés qui forment les équipes qui construisent le boulevard périphérique, le RER, la tour Montparnasse et la Défense.
Les Portugais présentent à cette époque la proportion de regroupements familiaux la plus élevée de toutes les communautés étrangères. La venue des femmes et des enfants va conduire à la prolongation de l’expatriation. D’autant plus que le dynamisme des femmes va révolutionner l’idée première de l’émigration. Le taux d’activité des femmes portugaises immigrées en France est en effet le plus fort de l’ensemble de la population féminine d’origine étrangère et dépasse même celui des Françaises.
La France connaît une pénurie de logements et beaucoup d’immigrés portugais vivent dans des conditions très précaires. Ils habitent dans des logements insalubres, dans des caves, et dans des bidonvilles, surtout en région parisienne. La plupart du temps, les Portugais habitent à côté d’autres immigrés, espagnols ou algériens, parfois dans des bidonvilles « portugais » (du plus grand comme celui de Champigny sur Marne (près de 150000 personnes y transitent durant ces années et la fin des années soixante, il est peuplé d’environ 15000 personnes ; Il sera rasé en 1971), à d’autres plus petits comme ceux du Franc-Moisin à Saint-Denis (peuplé d’environ 5000 personnes ; il sera rasé en 1974), La Courneuve, Aubervilliers, Carrières sur Seine, Massy, Villejuif, Villeneuve-le Roi).
Le dernier rapport statistique concernant l’émigration portugaise a été publié par l’Oem en juillet 2015.
Le Portugal est actuellement le pays de l’Union Européenne qui compte le plus d’émigrés proportionnellement à la population résidante.
Le nombre d’émigrés portugais dépasse les 2 millions, ce qui correspond à plus de 20% de la population.
L’émigration portugaise est une constante depuis la II ème Guerre Mondiale. Jusqu’aux années 60, c’était surtout une émigration intercontinentale, avec l’Amérique et les ex-colonies africaines comme destinations principales. Depuis le début des années 60, l’émigration a été essentiellement européenne, avec une intensité variable.
Entre 2010 et 2013, le nombre de sorties du Portugal a augmenté de 50%. Entre 2013 et 2014, l’émigration s’est stabilisée autour des 110 mille personnes par an. Il faut remonter à 1973 pour trouver des valeurs du même ordre de grandeur.
Parallèlement à cela, l’immigration a diminué, la dynamique migratoire étant clairement récessive.
Le vieillissement de la population actuel rend le Portugal plus vulnérable aux effets de l’émigration que lors des années 60-70, période pendant laquelle le retour des Portugais vivant en Afrique compensant en partie l’exode massif que le pays a connu alors.
L’émigration portugaise ne s’est jamais arrêté depuis l’entrée du Portugal dans l’Union Européenne, après avoir connu un ralentissement après le 25 Avril 74.
Le Royaume Uni est de nos jours le pays vers où émigrent le plus de Portugais : 30 mille en 2013, 31 mille en 2014. Suivent ensuite la Suisse (20 mille en 2013), la France (18 mille en 2012) et l’Allemagne (10 mille en 2014).
En dehors de l’Europe, la principale destination de l’émigration portugaise est le CPLP: Angola (5 mille en 2014), Mozambique (4 mille en 2013) et le Brésil (2 mille en 2014).
La France continue à être le pays où vivent le plus d’émigrés portugais (592281 en 2011), suivie par la Suisse (211451 en 2013), les USA (177 mille en 2014), le Canada (140 mille en 2011), le Brésil (138 mille en 2010), l’Espagne (117 mille en 2014), l’Allemagne (107 mille en 2014) et le Royaume Uni (107 mille en 2013).
La population active prédomine parmi les émigrés.
Les individus peu qualifiés sont les plus nombreux, même si on observe une augmentation des personnes plus qualifiées.
Commentaires
commentaires