Immigration

ENTRE 2 RÊVES

« Entre 2 rêves » est un documentaire sur l’immigration portugaise en France, de Jean-Philippe Neiva.
La France, terre d’espoir et de liberté : un rêve pour ces hommes et femmes qui ont fui la misère, les guerres coloniales et la répression Salazariste.
Le Portugal, pays lointain chargé d’imaginaire : un rêve pour les enfants d’immigrés qui sont nés en France et qui ont grandi tiraillés entre deux cultures.
Au fil d’entretiens d’une grande émotion, nous suivons le réalisateur dans son voyage physique et initiatique entre ces deux pays. Un voyage qui l’amène à découvrir la culture et l’histoire de ses parents.
« Entre 2 rêves » n’est pas seulement un retour sur l’histoire de la communauté portugaise en France mais aussi un pont pour tous les fils et filles d’immigrés avec leur pays d’exil. Une invitation à une réconciliation de leurs deux rêves.

Jean-Philippe Neiva, 38 ans
Réalisateur du documentaire Entre deux Rêves :

Je suis né à Compiègne et mes parents sont Portugais. Mon père est arrivé dans les années soixante et ma mère dans les années soixante-dix. J’ai un grand frère qui a deux ans de plus que moi.
Quand j’étais gamin, je vivais assez mal le fait d’être Portugais, car pour moi, cela signifiait être pauvre et ne pas avoir la même chance que tous mes copains français. Mon père était maçon, chef de chantier, et ma mère était femme de ménage. On vivait dans un petit appartement de trente mètres carrés dans la grande maison d’une Française qui hébergeait des immigrés.
On habitait dans une rue où il y avait de belles maisons. Ma mère travaillait chez nos voisins. Moi, j’allais à l’école avec les autres gamins, et j’avais honte de jouer avec mon copain le mercredi après-midi, alors que ma mère faisait le ménage au premier étage. Chez les copains, on mangeait toujours mieux que chez moi. Ils avaient de plus beaux jouets, je les enviais.
Quand j’étais enfant, mon meilleur ami était portugais, comme moi. Contrairement à moi, il était très fier d’être portugais et n’avait pas honte de dire que sa mère était femme de ménage. On n’a pas été éduqué de la même manière. Son père affirmait son identité portugaise alors que le mien, c’était l’inverse.
Sans faire une généralité, j’ai remarqué qu’il y a deux types de pères chez les Portugais : les plus revendicatifs et les autres. Les premiers veulent avoir la plus grande bagnole, la plus grosse maison et enjolivent souvent leurs récits de guerre. Les autres, comme mon père sont plus respectueux des règles. Quand il était jeune, les seules références sociales et politiques qu’il avait, étaient celles que ses parents ou le prêtre du village lui avaient transmises. Et mon père, c’est plus dans le sens très respectueux des règles. 
Mon père m’a transmis un regard critique sur la question de l’immigration en France.
Il se rend compte que rien n’a changé depuis sa propre expérience. Aujourd’hui, les immigrés roumains et polonais vivent exactement la même chose, notamment au niveau des conditions d’embauche et de vie. Tout cela se passe au vu de tout le monde mais personne ne dit rien, on laisse faire.
Quand j’étais gamin, mes parents me parlaient portugais mais moi je leurs répondais toujours en français.
A l’école française, je faisais des efforts pour être bon, parce que je voulais prouver à mes copains français que j’étais meilleur qu’eux. D’un autre coté, j’étais dernier à l’école portugaise. J’ai eu une double scolarité, comme beaucoup d’enfants d’immigrés. Pour mon père c’était le moyen d’apprendre sa culture et de garder un lien avec Portugal, parce qu’il pensait qu’on allait y retourner.
En 1993, furent conçues et votées les lois Pasqua. J’ai donc été obligé, à l’âge de seize ans, à manifester volontairement ma citoyenneté française au tribunal d’instance. Je ne comprenais pas. Pour moi j’étais né en France donc j’étais français.
Chez beaucoup d’enfants d’immigrés, il y a ce passage obligatoire par le questionnement sur ses origines. Dans mon cas, cela s’est posé pendant l’euro 2004. A l’époque, je travaillais chez TF1, au service des sports où tout le monde était français.
Je supportais aussi bien l’équipe de France que celle du Portugal. Mes amis français n’en revenaient pas que la communanuté portugaise soit aussi grande, parce qu’elle se fondait dans la masse.
D’une part, ça été un choc pour moi.
Comment ils sont arrivés tous ces Portugais ? Je ne connaissais même pas l’histoire de mes parents bien que mon père aie essayé de me la raconter quand j’avais douze ans. A l’époque, ses histoires ne m’intéressaient pas ; il les a donc gardées pour lui.
D’autre part, ça a été un déclic.
J’ai donc décidé d’utiliser mon médium, l’image, pour raconter l’histoire de ces portugais. Puis, au fur et à mesure, est née l’idée de faire un documentaire sur mes parents. J’ai mis un an à le réaliser. Pendant deux mois et demie, j’ai voyagé à travers le Portugal, car j’avais besoin de le découvrir avec les yeux d’un français.
Sans faire un film autobiographique, je voulais raconter comment je recréais un lien avec l’histoire de mon père, et montrer comment je l’intégrais et l’assimilais. Je cherchais aussi à définir les notions d’Exil, d’identité et de communauté portugaises. Avec ce film, j’ai reconnu l’histoire de mes parents, mes origines.
Mon père était d’accord, il se sentait prêt à tout me raconter.
Il a quitté le Portugal à seize ans. Fils d’agriculteur, la crise économique qui sévissait au Portugal, à l’époque, l’a poussé à s’expatrier à Compiègne, où vivait déjà son cousin dans des baraques.
Comme il a perdu son père très jeune et qu’il était l’ainé, il se sentait responsable de l’avenir de sa famille. Pour eux, aller en France était un bon moyen de gagner beaucoup d’argent.  C’était ce que racontaient, du moins, les émigrés qui revenaient l’été.
Malgré certaines restrictions au niveau de l’immigration, il existait des accords entre la France et le Portugal, pour que ce dernier lui fournisse de la main d’oeuvre.
Contrairement à beaucoup, mon père n’a pas eu la chance d’avoir eu un contrat de travail. Il est venu dans la clandestinité, par l’intermédiaire de passeurs qui prenaient énormément d’argent. Il y avait des chemins établis, ceux de l’émigration. Moi, quand j’ai fait le documentaire, j’ai fait le chemin à l’inverse.
Trop naïf, à 18 ans, il rentre au Portugal pour mettre à jour ses papiers, et se fait enrôler pour partir à la guerre en Guinée-Bissau où il est resté deux ans. Il m’a montré des photos quand j’étais gamin, mais il ne m’en a parlé réellement qu’une seule fois. La guerre coloniale est un sujet tabou.
Beaucoup sont ceux, comme mon père, qui ont du mal à en parler à leurs enfants. Tout autant que la guerre, la question de l’Exil reste difficile à aborder. les manières un peu dures de venir en France. Quand j’ai interviewé mon père sur ces questions, ses réponses m’ont ému.
En France, il y a avait une différence entre le mode de vie des femmes et des hommes portugais. Ces dernières avaient plus de contacts avec l’extérieur : elles faisaient les courses et le ménage chez des particuliers, ou étaient concierges. Elles ont donc créé un lien social fort avec le monde extérieur ainsi qu’avec leurs enfants. Les hommes restaient plus entre immigrés et donc parlent moins bien français que leurs femmes. Ces modes de vie si différents expliquent pourquoi les hommes ont plus de facilité à revenir vivre dans un village au Portugal. Les femmes, elles, ne veulent pas quitter ce lien social fort, le confort et leur vie.
J’ai pris conscience assez tardivement de la trace que te laisse ton lieu de naissance. Quand les gens me demandaient où mes parents voulaient être enterrés, la réponse était évidente : dans le village où ils étaient nés. Il y a vraiment un attachement à la terre qui est plus fort que le lien social qu’on peut créer avec un pays. J’ai d’ailleurs remarqué que cet attachement avec le Portugal, se traduit le plus souvent pas une passivité, une difficulté à s’affirmer.
Maintenant, être au Portugal ou en France, pour moi, c’est pareil, je me sens français d’origine portugaise. Mes parents m’ont transmis leurs valeurs et en même temps, j’ai la chance de profiter de ma culture française.
Mon père m’a surtout parlé de la dictature où existait un lien fort entre politique et religion. Du Salazarisme, il a retenu ce que disait le prêtre, et surtout les interdictions : pas le droit de s’embrasser dans la rue, pas le droit de parler de politique, pas le droit de revendiquer. Les valeurs salazaristes ont marqué mon père. Tu ne vas pas l’entendre dire qu’il regrette Salazar, mais par contre, il dira : « Avant, c’était pas comme ça. »

– le site : Le film – Entre deux rêves

– pour acheter le DVD : Entre 2 rêves – DVD – V2lam Productions

– pour l’acheter en VOD : Regardez ENTRE 2 RÊVES • documentaire en ligne | Vimeo On Demand sur Vimeo

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