Hier, j’avais rendez-vous chez mon psy. Il habite Rue de Lisbonne à Paris. J’ai été obligé d’en changer car celui d’avant, qui était Avenue des Portugais, est parti définitivement au Portugal pour aller jouir d’une retraite dorée. Il m’a dit « A force de vous entendre parler de là-bas, et bien j’ai eu envie d’y aller pour voir par moi-même ».
Lorsque j’ai exposé mon problème au nouveau, il y a eu un long silence, j’ai cru qu’il s’était endormi, puis, au bout de quelques secondes interminables, il m’a dit « C’est intéressant, continuez ».
Docteur, je ne sais pas ce qu’il m’arrive, mais je vois le Portugal partout. Pour venir jusqu’ici, j’ai attendu longtemps le tramway numéro 28, mais il n’est jamais arrivé. J’ai donc traversé Paris à pied. En chemin, je me suis arrêté dans une petite boutique pour manger deux pasteis de nata et boire un café court, à la portugaise. Les meilleurs du monde m’a dit le patron. On entendait une musique de fond, du fado je crois, qui m’a déprimé un peu plus. Pourquoi ne me suis-je pas arrêté dans une brasserie, il y en a à tous les coins de rue ? A la télé, il y avait un match de foot. La seleção jouait contre la France et elle perdait, comme d’habitude. Ils le font exprès ou quoi ! J’en ai profité pour acheter à manger pour le soir, quelques boîtes de sardines à l’huile d’olive…
« Revenez-en au fait » m’a dit le psy, pour me rappeler à l’ordre.
Oui, pardon, je disais donc que j’ai l’impression d’être malade. Je souffre sans avoir mal. J’ai mal sans souffrir. Cela dépend. Le Portugal m’obsède, depuis toujours. Je le vois partout et pourtant il n’est nulle part. C’est de la folie. C’est la lusofolie.

(Luis Coixao 04.02.15)