Notre soif de culture lusophone est inépuisable. C’est le sentiment qu’on a en parcourant le blog de Maria-Yvonne Frutuoso, l’un des meilleurs blogs et des plus complets qu’il existe à propos de la culture portugaise, et de la culture et de l’art en général. Cette reconstruction permanente de notre identité portugaise, qui se fait à travers un travail fastidieux de recherche, demande beaucoup d’efforts et de temps. C’est pourquoi j’ai tenu à saluer ce travail remarquable et à mieux connaître son auteur.
Maria-Yvonne, comment est née l’idée de créer ton blog et pourquoi l’avoir appelé Aldeia de Gralhas ?
Je suis toujours très heureuse de voir l‘intérêt que les gens portent à mon blog. Ce blog est né en Juillet 2007. J’avais décidé de faire une surprise à ma mère pour son anniversaire. Mes parents étaient en vacances au Portugal, et avec la complicité de mon père nous avons organisé mon arrivée ainsi que le séjour. Je suis restée 5 jours avec eux, période durant laquelle je suis retournée dans leur village d‘enfance, Gralhas. Cette courte visite à ma grand-mère, les promenades avec mon père, quelques photos prises de-ci de-là, des retrouvailles familiales intenses et tendres m’ont donné envie de créer un blog qui leur serait dédié.
Ce retour aux sources m’a donné envie de faire vivre cette mémoire, la mienne, celle de mes parents et de la partager.
Dans la page consacrée à ton album photo, on peut lire « Quand on renie le passé on perd l’avenir » (Dulce Maria Cardoso). Pour toi, ce blog, que tu as dédié à tes parents, est-il un bon moyen de ne pas oublier tes origines, tes racines, le pays des ancêtres, toi la fille et la petite fille d’immigrés portugais ?
Oui c’est un bon moyen de ne pas oublier mes origines… d’où viennent mes parents, mes grands-parents, parler du pays qui les a vu naitre, du Portugal d’hier et d’aujourd’hui ; parler de ce petit village dans les montagnes, où j’ai passé une partie de mon enfance, 4 ans exactement. Parler de ces gens simple, de leurs vies, leurs traditions, leurs coutumes, raconter ce que j’ai vu et entendu, comme un hommage. Envie de faire revivre les souvenirs de celles et ceux de ma génération, pour qu’ils puissent eux aussi les transmettre à leurs enfants.
Ton blog est un journal moderne, multimédia, où l’on peut trouver quantité de liens, de vidéos, de musiques, de photos et d’extraits de textes qui mettent en valeur la richesse et la diversité de la culture portugaise, mais pas seulement. Où puises-tu l’énergie qui te permet de consacrer autant de temps à tes recherches ?
Tout simplement parce que j’aime profondément ce que je fais. Quand on fait les choses par plaisir on ne compte pas son temps et son énergie.
Ton site est-il un bon moyen de transmettre aux nouvelles générations l’héritage culturel que tu as reçu de tes ancêtres ? L’uniformisation actuelle de la culture ne fait-elle pas de toi un Dom Quichotte qui se battrait contre des moulins à vent ?
L’héritage culturel que j’ai reçu de mes ancêtres et pas seulement… j’apprends énormément dans mes recherches. C’est un héritage du passé et une culture du présent abondante. C’est un Portugal aux multiples facettes que je souhaite avant tout mettre en lumière.
Il n’y a pas d’uniformisation possible. Le Portugal c’est à la fois le terroir et la ville, l’artisanat et la peinture contemporaine, le folklore et la musique électro, les grands-mères illettrées de Barroso et les femmes lettrées de la capitale, les guérisseurs et les médecins, les portugais restés au pays et tous les autres à travers le monde… le Portugal c’est tout ça à la fois. Alors, je veux bien jouer les Dom Quichotte si c’est pour me battre pour préserver tout cela.
Dans ta présentation, tu donnes les deux citations suivantes : «L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence» (Amin Maalouf) et « Avance sur ta route, car elle n’existe que par ta marche » (Saint Augustin 354-430). A chaque veille d’élections, certains ressortent l’épouvantail de l’identité nationale française. Que penses-tu de l’identité nationale des Portugais de France ?
…l’identité Nationale des Portugais de France.
En d’autres termes veux-tu dire, quelle place occupent les portugais sur le territoire français ? Et puis, au fait, c’est quoi au fait l’identité nationale ? C’est être français de souche, franco-français, c’est ça ? Vaste débat … Les portugais de France, c’est à la fois une population peu visible et relativement bien intégrée. Je constate que grand nombre de nos parents ont gardé la nationalité portugaise alors que leurs enfants, nés en France, ont choisi la nationalité française.
Mais comme grand nombre d’enfants d’immigrés, et ce quelque soient leurs origines, ils ont une double culture. Nés en France, de parents étrangers, ils se sentent autant portugais que français.
Encore une fois je me questionne : identité Nationale … et celle des Portugais de France… Pour moi, ceux qui sont nés en France sont français, bien que leurs origines soient ailleurs. Et on ne renie pas ses origines. Elles sont en nous. Je dirais donc que l’identité des portugais de France ne peut pas être nationale, elle vient d’ailleurs.
Tu es une artiste autodidacte, et tu aimes l’art sous toutes ses formes, la peinture, le dessin, la musique, la photo. Comment s’inscrit ton blog dans ta démarche intellectuelle et artistique ?
Par le partage de mes goûts en matière de peinture, musique, photos. En faisant découvrir aux lusophones et non lusophones la richesse de notre culture, notre créativité, notre goût de l’esthétisme…
Merci, Maria-Yvonne, de nous faire profiter de ton énergie inépuisable consacrée à faire briller ce qui nous reste, nous exilés culturels Portugais, de notre mémoire collective, si belle et si riche.