Dans les années 60, de nombreux Portugais se sont installés dans le bidonville de Nanterre. Dans ce documentaire de l’Ina de novembre 1969, on voit des hommes et des femmes qui vaquent à leurs occupations dans les allées de ce village reconstitué, le plus naturellement du monde. Certains Portugais sont interviewés sur la guerre que mène leur pays pour défendre ses colonies et leurs rapports avec les Français. Interview de l’un d’entre eux travaillant chez Renault et se plaignant du racisme des Français, des jeunes de la deuxième génération de chez Renault refusent d’aller faire leur service militaire pour éviter de faire la guerre.
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Parfois, on a l’impression de vivre au village. On n’entend parler que portugais autour de soi. C’est comme si on avait transporté le village tout entier en France, comme un arbre qu’on aurait déterré et qu’on aurait replanté ailleurs avec toutes ses racines. On a déplacé la misère du Portugal dans des bidonvilles français. Les gens ne sont pas mieux logés mais au moins ils n’ont plus faim et ils ont du travail. Et puis, les jeunes, eux, ne risquent pas d’aller se faire tuer en Afrique. Pourtant, il faudra bien que cet exode massif s’arrête un jour. Sinon, c’est tous les Portugais qui se retrouveront ici et le Portugal deviendra la France. 
Les gens se sont bien adaptés à cette vie. C’est à peine si les ruelles bourbeuses du bidonville ne portent pas le nom de leur village. La vie ressemble à celle qu’ils menaient au Portugal. Il y a un coiffeur qui coupe les cheveux, ou qui rase la barbe dehors. Les gens vont chercher de l’eau avec des bidons à la fontaine. Comme au village, on croise des femmes qui portent des réservoirs d’eau sur la tête. Il n’y a qu’une fontaine. On l’a cassé plusieurs fois. Certaines personnes n’admettent pas que les immigrés ne payent pas l’eau. Ils ont raison. Tout cela n’est pas normal. Les gens attendent parfois jusqu’au bout de la nuit pour pouvoir remplir leurs réservoirs.
Les habitants du bidonville déambulent dans les allées. Ils vont faire leurs courses chez l’épicier arabe qui s’est installé à côté. Il n’y a aucune intimité, les gens vivent les uns sur les autres. Les hommes lisent le journal, O Século, A Bola. Les femmes ou les hommes seuls font la vaisselle ou leur lessive dans des bassines en plastique puis ils étendent le linge à l’air libre. Les enfants jouent avec tout ce qui leur tombe sur la main. Ils courent un peu partout, font du vélo sur des vieux solex. On dirait des sauvageons livrés à eux-mêmes qui font les quatre cent coups.
Les hommes bricolent, réparent leurs baraques ou en construisent des nouvelles pour les immigrés qui débarquent chaque jour avec leur valise en carton. On ne sait jamais s’ils arrivent ou s’ils repartent. 

Extrait de « Mon Père, Ce Héros – Petite Histoire de l’Immigration Portugaise » (Luis Coixao – Editions Lulu.com)
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