LES ENFANTS DES BIDONVILLES est un projet de documentaire consacré à l’immigration portugaise en France, et tout particulièrement aux enfants des bidonvilles. A travers les magnifiques clichés en noir et blanc de ces enfants que Gérald Bloncourt a photographiés dans les années 50-60, les auteurs de ce documentaire vont tenter de retrouver ceux et celles qui sont maintenant des adultes, pour qu’ils nous racontent leurs vies: quels sont leurs souvenirs du voyage, de leur arrivée, de la vie, des parents et de leurs familles, de leurs jeux, de l’alimentation, du manque de travail, de la tristesse et du bonheur. Avec eux nous comprendrons comment ils ont vécu et comment ils ont quitté le bidonville dans lequel ils semblaient être éternellement confinés. Certains sont retournés et ont refait leur vie au Portugal. D’autres sont restés en France où ils ont fondé leurs familles écartant le retour au pays. Nous replongerons dans les souvenirs que beaucoup cultivent tendrement, alors que d’autres ont préféré l’effacer de leur mémoire.
A la fin des années cinquante, des milliers de travailleurs portugais sont entrés en France, fuyant la dictature de Salazar ou de mauvaises conditions de vie au Portugal. Beaucoup d’entre eux, ce sont retrouvés dans des bidonvilles, notamment celui de Champigny sur Marne, qui dépassait les 10000 habitants, mais aussi ceux de Saint-Denis et de Nanterre. Les conditions de vie dans les bidonvilles étaient d’une précarité inhumaine et les immigrants ont commencé à s’organiser et à dénoncer leur situation auprès de la presse militante.
C’est lors de cette contestation que le journaliste et photographe Gérald Bloncourt s’est intéressé au sort des Portugais en France, débutant alors, son travail photographique sur cette communauté. Il s’intéresse et suit de près la vie des Portugais des bidonvilles, dénonçant avec force leurs mauvaises conditions de vie. Parmi les pauvres gens qu’il croisait dans ces bourbiers, où ils vivaient presque cachés dans des barraquements tout ce qu’il y avait de plus éphémère, essayant de mener leurs vies avec la plus grande dignité possible, beaucoup étaient des enfants.
Le travail du photographe Gérald Bloncourt publié par “La Vie ouvrière”, “Témoignage Chrétien” ou par “L’immigré portugais”, est devenu un document historique, qui grâce aux témoignages suscités, ont contribué à alerter l’opinion publique et ont été à l’origine d’un mouvement de solidarité qui a aidé à faire pression auprès du pouvoir politique.
Plus tard, Gérald Bloncourt finira par accompagner des immigrants depuis le Portugal, allant jusqu’à traverser des frontières en leur comppagnie. Il a partagé au plus près, leur peur de se faire arrêter, ou de périr d’épuisement incapables de marcher des centaines de kilomètres à pied.
Les photos de Gérald sont la base de ce travail. Avec ses clichés nous éprouvons les froids de l’hiver, l’humidité des taudis, le manque de travail, les rêves et les cauchemars d’enfant qui ont peuplé les bidonvilles. Parmi ces photos il y a celle d’une fille qui a sourit, au milieu du bidonville, avec une poupée dans les bras. Gérald l’a appelée “la petite portugaise.” Des années plus tard, en 2012, cette fille maintenant adulte est réapparue. Elle s’appelle Maria da Conceição et a une boutique d’artisanat à Coimbra, après avoir été professeur de français au lycée de cette ville. Sans le savoir son visage est devenu une icône l’émigration portugaise en France. C’était la fille, à la poupée, qui avait sourit au passage du photographe. Il y a seulement environ deux ans, qu’elle a réalisé qui était “la fille de la photo.” Elle a désiré rencontrer Gérald, qui a son tour souhaitait faire sa connaissance. Cette rencontre suivie d’une longue conversation a donné lieu à la parution d’un article dans l’hébdomadaire “Publico”. De la lecture de ce récit de presse est née l’idée de faire ce film, si l’on parvenait à rencontrer aujourd’hui, d’autres enfants photographiés par Gérald dans les années 50/60? Et si l’on racontait l’histoire de leurs vies partant de ces sublimes photos ?
Les Enfants Des Bidonvilles
De mon premier contact avec le bidonville, il ne subsiste qu’un souvenir très vague : le choc provoqué par la vue de ce tas d’immondices. Ma mère m’a dit que je ne me suis jamais fait à l’idée de vivre dans ces baraques, que je râlais souvent contre elle. Les enfants sont cruels. Il faut avouer que la vie ne nous avait pas épargnés elle non plus.
Ce dont je me souviens le mieux, c’est les jeux interdits avec les copains. J’avais d’ailleurs retrouvé certains de ces derniers avec qui je jouais au Portugal. C’était une impression bizarre que de se retrouver transportés presque à l’identique dans un autre pays. Nous faisions les 400 cents coups à travers les ruelles boueuses du bidonville. Nous étions des explorateurs qui étions partis à la rencontre d’un monde nouveau, peuplé d’indigènes qu’on ne comprenait pas et de milles trésors dont on ne soupçonnait pas l’existence. C’était un univers fantastique. Tout était incroyable. Comme toutes ces grues géantes qui nous entouraient, tous ces immeubles qui poussaient comme des champignons autour de nous et qui constituaient autant de cachettes pour jouer aux cowboys et aux indiens. L’insouciance des enfants est comme une fleur qui pousse au milieu des ordures. Oui, nous étions heureux de vivre malgré le décor misérable qui nous entourait.
Notre vie d’enfant passait en accéléré. Nous étions des enfants qui avaient été propulsés malgré eux dans une vie d’adultes. Nous avions quitté un cocon familial portugais pour un univers fait de tôle et de boue. Les adultes étaient tombés sur la tête. Le monde tournait à l’envers.